vendredi 31 décembre 2010

EST_OUEST_Une certaine Histoire du monde moderne

" L'hitlérisme ne repoussera pas. Par tempérament, je déteste la politique émotionnelle. J'ai le goût méridional pour la parole, je suis sur mes gardes devant qui en profite. Je me ressaisis face à l'éloquence "…

" Le PCF se comportait comme le pire des jusqu'au-boutistes en matière d'épuration "… " Pourquoi n'ais-je pas écouté un Gide, un Nizan, un Camus ou un Koestler…
Qu'est-ce donc qui protège le communisme de l'expérience "…
Pierre Daix : Ex-intellectuel stalinien du Parti communiste français,
secrétaire de Charles Tillon, intime de Picasso, second d'Aragon,
rédacteur en chef des Lettres françaises, gendre d'Arthur London,
résistant et déporté à Mauthausen.
Il a symbolisé, pour plusieurs générations, l'intellectuel communiste.
Et, au temps de la guerre froide, l'intellectuel stalinien.
Contre David Rousset il défendait dans les Lettres françaises la thèse selon laquelle le Goulag n'existait pas ! Mais, en 1963, c'est lui qui préface l'édition française d'Une journée d'Ivan Denissovitch et c'est le bannissement de Soljenitsyne qui le conduit à quitter le parti communiste en 1974.
Autres extraits: P 28 à 95
…N'était-ce pas un Parlement élu sur le programme du Front populaire
qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain……
Une nation ne choisit pas son passé, ni les siens.
A quarante ans passés, j'ai mesuré ce qu'il y avait d'évasion dans ce terroir
d'idées où j'enfouissais mes espérances. Je devais accepter d'être le camarade des révoltés de Budapest, de l'Octobre polonais, des résistants au regel soviétique.
Je ne changeais pas de camp. Je me réconciliais avec l'adolescent qui, découvrant les premiers récits de l'inhumanité de Dachau vers 1938, s'était juré de ne jamais admettre cette monstruosité. ( * ) … J'ai considéré comme absurde, en 1945, qu'on décrète en bloc les SS hors la loi. Cette décision à l'emporte-pièce ne pouvait que favoriser la protection des responsables, de ceux qui avaient mis la machine en marche. … Or personne, nulle part, chez les alliés, ne comprenait si peu que ce soit aux problèmes des camps…
Je puis témoigner qu'aux jours de la victoire, Mauthausen et ses Kommandos étaient inconnus de tous les responsables.
Des milliers d'hommes, sauvés jusque là, sont morts libérés et non rapatrié.
… Les femmes qui se voyaient vieillies, abîmées, les hommes affaiblis, anxieux…
Comme le mariage interrompu semblait difficile à renouer !
et la vie de famille avec des enfants que l'on ne reconnaissait plus !
et la vie professionnelle, et les études soudain si coupées de ce qui nous passionnaient… C'était là que gisait l'injustice, et le désenchantement nous rejetait du côté des morts… Dans le domaine que je considérais comme le mien, celui de la littérature, du cinéma, de la peinture, c'était ceux qui avaient continué à travailler qui se voyaient justifiés… Sartre n'avait-il pas fait jouer ses pièces à Paris ? L'Etranger de Camus n'avait-il pas été édité légalement en 1943… C'était moi l'étranger ! …Qui pouvait oublier que le peuple Allemand votait à gauche autrefois que social-démocratie et communisme y étaient implantés profondément ?
Et pourtant, n'avait-il pas suivi Hitler jusqu'au bout de la défaite ?
C'est à dire pas seulement sous l'effet de la terreur ?
… Je mis en garde : non, nos camps ne constituaient pas un monde à part.
D'abord, entre un bagne français et un KZ nazi, il n'y a que des nuance
( je pense aux camps du système originel, ceux de l'Allemagne ou d'Autriche.
Les usines de mort de l'Est posent des problèmes différents)…
…Aussi quand le Père Riquet, puis David Rousset, de retour comme moi des KZ,
se sont mis à dénoncer les camps soviétiques, ce ne pouvait être qu'un complot, et le plus dangereux contre le sens même de notre combat… Je me disais : la différence tient à ce que c'est le parti communiste soviétique qui a ouvert les portes du goulag, tandis qu'il a fallut la victoire des alliés
sur Hitler pour fermer nos camps.
Aujourd'hui, je sais que le Goulag n'a jamais été fermé, seulement réduit. Juste de quoi laisser pourrir Kouznetsov, Guinzbourg, Moroz et un ou deux millions, on ne sait à un million près, d'indésirable ( * ) - ( Kouznetsov, intellectuel juif, condamné pour avoir eu l'intention, non mise à exécution, de s'emparer d'un avion - Guinzbpourg, écrivain et contestataire, gérait le fonds de solidarité Soljénitsyne pour les prisonniers politiques - Moroz est simplement coupable d'être un historien ukrainien )…
… Ne pas exclure le stalinisme de l'espace moral, trouver des accommodements avec ses successeurs, appartient exactement à la politique qui fit croire, entre 1936 et 1938 aux " munichois " qu'en se conciliant Hitler on pouvait tailler un petit nid pour la France… quand David Rousset dénonça les camps soviétiques en 1949,
ce n'est certes pas contre moi seul qu'il a eu raison, mais contre le PCF.
Aussi contre Sartre qui jugea inopportune cette dénonciation.
Mais je porte la responsabilité d'avoir, avec d'autres anciens déportés
communistes, poussé à la mobilisation contre son projet de commission d'enquête plutôt que de mettre en pratique notre devise " plus jamais ça ", si bien qu'il reste en France, en Italie, en Espagne, des milliers de vieux militants qui ne croient pas aux crimes de Staline ? … Il n'y avait nulle part de socialisme dans l'horizon d'Ivan Denissovitch. L'Urss n'était pas un pays qui avait cessé sous Staline d'aller vers le socialisme. L'enfant n'était jamais né… Les PC ont été conçus dès l'origine pour manipuler les opinions. La vérité n'y existe que si elle sert le parti…
Après le soulèvement du 17 juin 1953, le quotidien du PC de l'Allemagne de l'Est publia un mot de soutien de Brecht au parti qui venait de faire écraser les
travailleurs désarmés par les tanks de l'occupant soviétique. Il s'agissait de la
formule de politesse isolée d'une longue lettre très critique qui ne sera jamais publiée…
( * ) Inhumanité connue donc à cette époque, mais il y aura néanmoins le pacte gernano-soviétique
l'année suivante…
( * ) Ces chiffres seront très nettement réévalués ultérieurement.

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