vendredi 31 décembre 2010

Pierre Daix : ... " J'ai le goût méridional pour la parole,
je suis sur mes gardesdevant qui en profite.
Je me ressaisis face à l'éloquence "…

P 113 à 203 …Il restait certainement, au moment des élections, en mars 1978, chez les plus de 35 ans, le souvenir du comportement du Front républicain de 1956-57 1 qui renia tous ses engagements pris devant l'électeur, en lançant, sans désapprobation patente du PCF, le contingent dans la guerre d'Algérie… C'étaient des socialistes qui avaient pris la responsabilité politique de l'emploi de la torture… C'était Staline qui songeait à se débarrasser des anciens de la guerre d'Espagne, comme des résistants " de l'intérieur ", ou des camps nazis, à la façon dont il avait liquidé les vieux bolcheviks. Combien d'anciens d'Espagne, d'anciens déportés ont été embrigadés après 1945 à l'Est dans les services spéciaux de Staline, persuadés de poursuivre leur guerre contre le fascine alors qu'on les lançaient dans les besognes inavouables contre leur peuple, avant de devoir broyer leurs propres camarades d'Espagne et des camps, pour finir avec eux dans le moulin des aveux ignominieux ? …Cela me valut d'être mêlé à la plupart des problèmes surgis entre le Parti et ses médecins. De l'interdiction pour un militant de se faire psychanalyser, ou pour un communiste d'être psychanalyste, qui fût un débat des années 1947-1949, à la condamnation du contrôle des naissances au temps du rapport Khrouchtchev en 1956, en passant par l'affaire des blouses blanches… Cela m'a valu en politique d'échapper à l'illusion que la libération des peuples coloniaux nous produirait des modèles de liberté ou de socialisme. Ma première rencontre avec des étudiants vietnamiens s'est produite en 1941. J'étais chargé de leur demander de participer à la lutte armée que nous commencions d'organiser. La réponse fut simple : Vous représentez pour nous ce que les Allemands représentent pour vous. Vous êtes notre occupant… Il ne leur paraissait pas que quelqu'un, appartenant à la puissance coloniale, même communiste, fût le mieux placé pour apprécier leurs problèmes… La fin n'est jamais identifiable au moyens, ni à ce que l'on peut appréhender du Parti. Le Parti est toujours au-delà. Il a toujours raison et, même s'il est vérifié qu'il s'est trompé, ce sera toujours une erreur circonscrite, une erreur qui n'entache pas le Parti. Elle ne peut rien changer à la fin, à la perspective générale. Au contraire même, plus le divorce est flagrant entre la fin et la réalité, entre le socialisme et le Goulag, plus il faut faire confiance au Parti, à Staline, qui est bien le seul à pouvoir combler ce gouffre. J'écris ces lignes alors que les journaux du PCF sont pleins d'attaques contre deux jeunes gens qui viennent de raconter les deux années qu'ils ont passées en Urss entre 1972 et 1974 ( Rue du prolétaire rouge ) … Et voilà qu'ils découvrent que toutes les turpitudes que l'Humanité définit chaque matin comme spécifiques du capitalisme se retrouvent là-bas, aggravées par la coercition, les blocages bureaucratique… La démocratie qu'on croit plus équitable parce que directe, devient nécessairement une démocratie émotionnelle. La volonté générale d'une assemblée débouche obligatoirement sur la violence faite à tous ceux qui, par leur existence, montrent que cette volonté n'est pas générale. Le terrorisme froid ou chaud n'est pas loin. Ajoutons que la manipulation des assemblées par les spécialistes est des plus aisée qui soit… Les intellectuels de ma génération, formés par la Résistance, ont cru que la vérité était dans un seul camp, le leur. Que leur responsabilité était de la faire prévaloir… J'étais du camp de Mauthausen et je ne voulais pas entendre parler du camp de Kolyma. Et trente ans plus tard, je sais que la vérité de Mauthausen ne vaut que par la vérité de Kolyma, que si Mauthausen a vu assassiner des milliers de combattants polonais, Staline en a tué autant à Katyn… Comment nos enfants jugeront-ils le procès de Nuremberg en y entendant les réquisitoires du pays du Goulag … Non, Soljénitsyne ou Sakharov n'ont pas servi l'impérialisme, tandis que ceux qui les dénoncent ainsi servent bel et bien l'impérialisme soviétique… Comment admettre que les accords d'Helsinki puissent fonder la sécurité européenne sur des frontières qui font de quelques-unes des plus vielles nations d'Europe des colonies russes ? … Pour ma génération, le marxisme était la grande promesse… L'histoire allait nous livrer tous ses secrets. Nous en illuminerions notre présent et nous construirions un avenir sans ombres…
C'en serait fini du mal…
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1 - législatives de 1956: PC 25,9%, SFIO-Radicaux & UDSR (Front Républicain: 26,5%),
Républicains Sociaux (ex-RPF), 2,7%, MRP 11,1%, Poujadistes 11,6%, Modérés 15,3%,
Extrême droite 1,2% - 11 Poujadistes seront invalidés anticonstitutionnellement et
remplacés par 5 socialistes, 3 radicaux, 1 MRP, 2 modérés

Soir 3 : Les dossiers de l'histoire - fin 1999 -
années 30 … " Les communistes se voulaient généreux, solidaires, surs de leur destin"… - Allemagne … " L'aveuglement communiste empêche une coalition avec les socialistes qui aurait put enrayer le développement du nazisme " …

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